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Pharmacie / Hygiène

Consommation de PHA en EHPAD : la mission PRIMO publie son rapport


Publié le Lundi 13 Décembre 2021 à 11:26

Notamment chargée de surveiller et de prévenir la résistance aux antibiotiques et les infections associées aux soins dans les établissements médico-sociaux, la mission PRIMO a cherché à quantifier l’observance de l’hygiène des mains par friction hydro-alcoolique dans les EHPAD. Les résultats, basés sur des données recueillies auprès de 1 290 établissements répartis sur 13 régions, ont récemment été dévoilés. Revue de détail.


« L’observance des précautions standard d’hygiène représente le premier rempart contre l’antibiorésistance et les infections associées aux soins », nous rappelait au printemps dernier Gabriel Birgand, responsable du Centre de prévention des infections associées aux soins (CPias) Pays de la Loire, principal porteur de la mission PRIMO – à laquelle est également associé le CPias Grand Est. Ce programme, qui fait partie des cinq missions nationales de surveillance et de prévention constituant le RéPias (Réseau de prévention des infections associées aux soins), se concentre exclusivement sur les soins de ville et le secteur médico-social, avec déjà plusieurs réalisations notables à son actif. C’est notamment le cas de son rapport relatif à la Surveillance des consommations de produits hydro-alcooliques en établissements pour personnes âgées dépendantes, publié cet été et désormais en accès libre sur le site de Santé Publique France. Basé sur un « proxy-indicateur », comme le qualifient les auteurs, il s’appuie sur un constat simple : si l’hygiène des mains par friction hydro-alcoolique est, aujourd’hui, « la technique de référence pour prévenir les infections respiratoires aiguës, la gastro-entérite et la propagation des bactéries multi-résistantes » dans les EHPAD, la connaissance de la quantité de produit hydro-alcoolique (PHA) achetée annuellement « apparaît comme un marqueur indirect » de sa mise en œuvre effective et peut, dans un second temps, permettre de mieux cibler les actions de sensibilisation et de prévention à mettre en œuvre au sein de ces structures.
 

Profil des répondants

Menée par les équipes du CPias Pays de la Loire, cette surveillance a été proposée à tous les EHPAD de France métropolitaine et territoires ultra-marins et portait sur la consommation de tous les PHA prêts à l’emploi, qu’ils soient sous forme de gel, de mousse ou de liquide. Entre le 1er juin et le 6 novembre 2020, pas moins de 1 290 EHPAD y ont participé, avec néanmoins de nettes disparités régionales : 60 % des établissements d’Auvergne-Rhône Alpes et 21 % de ceux des Hauts-de-France se sont mobilisés, contre seulement 4 % des EHPAD franciliens et 2 % des structures implantées en Nouvelle-Aquitaine. Parmi ces établissements, la très large majorité (63 %) était des EHPAD publics, 20,2 % des associatifs et 14,1 % des privés. Les EHPAD intégrés à un établissement sanitaire représentaient par ailleurs près de la moitié (49 %) des participants, et une large majorité pouvait déjà compter sur un appui expert, puisque les établissements disposant d’un référent hygiène et/ou d’une équipe opérationnelle d’hygiène (EOH) / équipe mobile d’hygiène (EMH) représentaient respectivement 78,5 % et 82,6 % des répondants.
 

Des disparités régionales

À ces informations organisationnelles se sont naturellement ajoutées celles relatives aux consommations annuelles de PHA, soit le volume en litres achetés par an, mais aussi à l’activité des EHPAD (nombre total de journées d’hébergement) pour les années 2018 et 2019. « Le nombre de frictions effectuées par jour pour un résident a été estimé à l’aide de la formule suivante : (volume de PHA [litres] x 1 000) divisé par (nombre annuel de journées d’hébergement x 3 ml) », expliquent les auteurs, qui se sont basés sur l’hypothèse qu’une friction hydro-alcoolique (FHA) nécessitait 3 ml de PHA. Le verdict ? En 2018, les consommations de PHA équivalaient, en médiane, à 1,49 friction réalisée chaque jour pour un résident donné. Cette estimation était « significativement » plus élevée en 2019, avec 1,60 friction réalisée par jour pour un résident donné. 

Ont toutefois été là aussi identifiées des disparités régionales avec, pour 2019, un nombre médian de frictions par jour et par résident plus élevé dans les régions Hauts-de-France (1,89), Auvergne-Rhône Alpes (1,79) et Centre-Val de Loire (1,76), et plus faible dans les régions Bretagne (1,07), Provence-Alpes-Côte d’Azur (1,36) et Normandie (1,36). Les chiffres variaient également en fonction des données organisationnelles. Ainsi, toujours pour l’année 2019, les EHPAD intégrés à un établissement sanitaire possédaient une médiane du nombre estimé de frictions plus élevée que les EHPAD indépendants (1,68 versus 1,28). C’est aussi le cas des établissements possédant un référent hygiène désigné (1,66 versus 1,31) et pour ceux bénéficiant de l’expertise d’une EOH/EMH (1,65 versus 1,31). Mais cela reste « bien trop peu », avait déjà noté il y a quelques mois Gabriel Birgand, pour qui le ratio idéal devrait se situer entre 10 et 15 frictions par PHA par jour et par résident.
 

D’importantes « marges de progression »

Les auteurs du rapport, eux, rappellent que bien que le nombre théorique de gestes d’hygiène des mains par friction hydro-alcoolique en EHPAD soit « inconnu à l’heure actuelle » et sera fonction de la dépendance des résidents, de leurs comorbidités et de la charge de soins, des recommandations existent néanmoins pour les patients hébergés en unités de soins longs séjours : l’indicateur national de consommation de produits hydro-alcooliques en établissements de santé (ICSHA3, porté par la Haute Autorité de Santé), affiche ainsi un objectif de 4 frictions par jour pour un patient donné. « Les résultats obtenus dans ce panel sont donc pour moitié plus faibles que cet objectif », soulignent-ils. D’autres recommandations, issues d’une étude publiée en 2008 par le Ministère de la Santé autour de la friction hydro-alcoolique par spécialités chirurgicales, donnent un nombre de frictions théoriques de 12 par jour et par patient. « Les résultats de la surveillance 2019 en EHPAD sont alors 6 fois plus faibles », font remarquer les auteurs, en rappelant toutefois que, dans un cas comme dans l’autre, les chiffres avancés ne sont pas forcément adaptés aux EHPAD.

Ils soulignent en outre l’existence potentielle de biais. Leur étude est en effet basée sur les volumes de PHA achetés et non réellement consommés. Elle repose en outre sur un volume de friction estimé à 3 ml, qui correspond à une technique optimale de PHA, alors même que celui utilisé dans la pratique quotidienne est « fréquemment inférieur ». Elle a, enfin, été menée sur la base du volontariat, ce qui laisse supposer d’une participation plus importante des établissements déjà sensibilisés à la prévention des infections associées aux soins et « présage que nos chiffres peuvent surestimer la consommation des EHPAD en France »… où les « marges de progression » restent importantes.

- Plus d’informations sur le site du RéPias www.preventioninfection.fr et du celui de Santé Publique France www.santepubliquefrance.fr

Article publié dans le numéro d'octobre d'Ehpadia à consulter ici